Il y a eu en Himalaya occidental moins d’une dizaine de fouilles ponctuelles, toutes périodes confondues. Ainsi la recherche archéologique repose principalement sur l’analyse du matériel de surface. Au cours des cinquante dernières années, l’art rupestre s’est révélé être une source d’information précieuse, par sa quantité, sa diversité et son immobilité pour comprendre le passé de l’Himalaya, depuis le Néolithique jusqu’au début du deuxième millénaire de notre ère.
Après avoir été l’apanage d’un petit nombre de missionnaires depuis sa découverte à la fin du 19e siècle, puis d’explorateurs occidentaux dans la première moitié du 20e siècle, l’art rupestre en Himalaya a fait l’objet, depuis la fin des années 1970, de recherches de la part d’une dizaine de chercheurs locaux et internationaux. Le premier ouvrage consacré à l’art rupestre du Ladakh parut en 2007 sous la forme d’un catalogue et une thèse de doctorat en proposant une analyse approfondie fut soutenue en 2010. Depuis dix ans, la reconnaissance de son importance scientifique et de sa valeur patrimoniale se sont accrues de façon spectaculaire.
Bien que la documentation relative à l’art rupestre soit encore parfois réalisée individuellement, plusieurs initiatives émanant d’équipes dirigées par des personnalités issues d’horizons divers (tels que des ONGs spécialisées dans la protection du patrimoine, des amateurs éclairés d’art rupestre et des universitaires) ont récemment vu le jour aux niveaux régionaux, nationaux, et internationaux.
Si l’on ne peut que se féliciter de cet intérêt récent, on peut regretter que ces différentes initiatives aboutissent souvent à des données redondantes alors que de nombreux sites d’art rupestre sont confrontés à des menaces imminentes. Dans le meilleur des cas, les données collectées ne sont pas comparables car chaque initiative suit son propre système, empêchant une étude globale. Dans le pire des cas, les données sont peu utiles car elles ne peuvent pas être traitées scientifiquement. C’est que certains collègues, spécialistes d’art rupestre dans d’autres parties du monde, dénomment ‘art rupestre touristique’ : malheureusement en Himalaya une grande quantité de données publiées appartient à cette catégorie. Il s’agit de simples listes de sites rupestres dont la documentation consiste en des photographies sans contexte, ni relevé ni prise de notes bien que les coordonnées géographiques de ces sites soient parfois publiées comme dans l’inventaire archéologique du Ladakh qui répertorie plus de 500 sites rupestres.
En partant de ce constat, nous nous sommes efforcés de construire un jeu de données standardisé. Cette étape longue et laborieuse est la condition nécessaire pour fournir un cadre cohérent à l’interprétation de tout art rupestre, quelle que soit la zone d’étude, avec pour objectif en Himalaya de mieux caractériser cet ensemble culturel et ses spécificités régionales.
En d’autres termes, afin d’être scientifiquement exploitables, les données passées et futures doivent être homogénéisées selon une méthode précise, conforme aux normes internationales d’études sur l’art rupestre, tout en étant adaptées au contexte himalayen.
Dans cette optique, grâce au soutien de plusieurs institutions, des engagements ont été pris dans le cadre de ce projet avec la production d’une base de données et d’un manuel, à la fois indépendants et complémentaires, conformes aux normes actuelles de la Science Ouverte et des Humanités Numériques. Ces outils ont pour objectif de contribuer à la fois à la recherche et à la préservation du patrimoine tout en garantissant l’accessibilité du matériel en respectant les principes FAIR, c’est-à-dire: Facile à trouver, Accessible, Interopérable, Réutilisable. Le projet s’appuie sur les services à disposition des chercheurs en SHS de l’Infrastructure de Recherche (IR) française Huma-Num.